Conclusion : résumé de la thèse turque :

Discours de M. RUSTU ARAS à la S.D.N., le 14 Décembre 1936. (1)

Le représentant de la Turquie propose dans son discours deux choses :

Fond du litige :

La thèse de la Turquie est que le Sandjak d'Alexandrette a été confié par la Turquie à la France directement, non par l'intermédiaire de la S.D.N. et que la France ne saurait, sans renier les engagements contractuels qu'elle assume vis-à-vis de la Turquie, lier le sort politique du Sandjak d'Alexandrette à celui de la Syrie. Si l'on veut donner au Sandjak une indépendance politique, la Turquie demande que ce soit une indépendance personnelle, non celle qui consisterait à le faire entrer dans le cadre de l'unité syrienne. Le représentant de la Turquie appuie sa thèse sur des arguments juridiques et rappelle les dispositions des principaux actes diplomatiques qui ont rapport au Sandjak.

« En 1919, le pacte de la S.D.N. a formulé des principes en application desquels le Conseil Suprême des Alliés a adopté à San Remo, un protocole portant attribution à la France du mandat sur la Syrie. Mais quelle était la contrée dénommée « la Syrie » et quel en était l'aspect géographique, politique et juridique ?

Si la Syrie englobait tous les territoires se trouvant à cette époque placés sous l'occupation de fait du gouvernement français, elle comprenait donc en plus de la communauté syro-libanaise, de langue arabe, celle de langue et de race turque de Cilicie. Si telle était la conclusion à tirer de l'Acte de San Remo, il y a lieu de se demander comment, par un accord ultérieur de bon voisinage, la France a pu restituer à la Turquie les territoires qui lui avaient été confié en tant que mandataire.

Mais si l'expression géographique « Syrie » n'avait pas une étendue aussi démesurément amplifiée, comment admettre que l'attribution du mandat, faite en 1920, puisse s'étendre jusqu'à des territoires au sort encore juridiquement indécis comme ceux du Sandjak d'Alexandrette ? En réalité, sur ces territoires, aucune attribution de mandat n'a lieu de la part du Conseil Suprême. »

Un autre acte fut le tracé d'une frontière politique :

 « Lorsqu'en 1921, la Turquie a tracé avec la France une ligne de démarcation, inconditionnelle sur sa plus grande partie mais conditionnelle sur la partie touchant le territoire du Sandjak, et lors que ces pays ont fait de cette ligne, en 1923, une frontière politique, sans rien modifier des conditions qui y avaient été antérieurement attachées, il n'y avait pas de mandat français sur le Sandjak, et ce n'est pas, comme mandataire que la France a assumé des obligations vis-à-vis de mon pays :

L'accord d'Ankara (1921) et le traité de Lausanne (1923) précisent encore la situation des populations du Sandjak d'Alexandrette.

Dans cette partie de son ancien territoire conditionnellement abandonnée, la Turquie ne voyait pas que les populations destinées à jouir d'un régime autonome dans le cadre de l'autorité française ; elle n'avait à aucun moment songé à admettre l'existence d'une entité politique syrienne au nom de laquelle la France prendrait possession d'une communauté turque pour le placer un jour définitivement sous le joug d'une communauté non turque.

La charte du mandat élaborée en 1922 et mise en vigueur au mois de Septembre 1925, ne peut s'étendre au territoire du Sandjak qui reste, après comme avant l'adoption de ce document, distinctement et conditionnellement placé sous la seule autorité du gouvernement de la République française. La charte du mandat ne parle pas du Sandjak ; ce serait là une preuve suffisante de ce que je viens d'avancer. Mais il y a plus. Cet acte institue les langues française et arabe comme seules langues officielles sur tout le territoire du mandat, alors que les traités de 1921 et de 1923 reconnaissent la langue turque comme langue officielle pour la région autonome d'Alexandrette et d'Antioche. »

 Mesures conservatoires :

 « Nous venons proposer à la S.D.N., dans cette période de contestations, de prendre en main la destinée du Sandjak. Que les troupes françaises et celles composées d'éléments hostiles à la Turquie et aux turcs se retirent des territoires contestés. Qu'un petit détachement de gendarmerie neutre y soit sous la direction effective d'un commissaire de la S.D.N. Qu'aucun fait nouveau, de la part de la Turquie, de la France et de la Syrie, ne viennent préjuger la solution à intervenir. Que soit créée, enfin, cette atmosphère favorable à l'entente entre les intéressés ou aux délibérations efficaces de votre haute institution. »