Seconde phase : 2ème partie :

A l'arrivée de M. Roger GARREAU, les Kémalistes évitent pendant quelque temps de commettre la moindre imprudence, mais d'ores et déjà, ils préparent l'envoi en masse dans le Sandjak de tous ceux qui, à un moment quelconque de leur existence, avaient vécu dans les régions d'Alexandrette, Antioche et Kirik-Khan. C'est ainsi qu'à la date du 16 mai 1938, 2402 électeurs venus de Turquie s'étaient fait inscrire à la Sûreté Générale.

Octobre 1937 : Les nouveaux consuls turcs se montrent non seulement corrects mais courtois à l'égard des fonctionnaires français du Mandat, si bien que pendant les mois de septembre et octobre 1937, il semble que le statut du Sandjak soit accepté de bon cour par la Turquie, et que les jours d'agitation soient passés.

L'offensive turque reprend à la date du 29 octobre 1937, à l'occasion de la proclamation du nouveau régime.

Entité distincte dans la République Syrienne, le Sandjak devait normalement, d'après les Français, conserver le drapeau syrien tout en jouissant de sa pleine indépendance intérieure. Les représentants de « Maisons du Peuple » et les Consulats de Turquie obéissant à un mot d'ordre venu d'Ankara, soutinrent au contraire que la présence du drapeau syrien dans le Sandjak était contradictoire avec le statut organique, qu'il froissait le sentiment national turc et que rien ne pourrait empêcher la population turque d'arborer les drapeaux du Hatay si le drapeau syrien était maintenu sur les édifices publics.

Pour permettre à la fête de l'indépendance de se dérouler sans troubles, les Autorités Françaises acceptèrent d'amener les couleurs syriennes, mais le Haut-Commissaire qui devait proclamer lui même le nouveau régime décommanda son voyage et le Délégué du Haut-Commissaire dans le Sandjak se fit remplacer par son adjoint pour la lecture de la « Proclamation ».

Cette fête dite de l'indépendance se déroula donc dans le calme à peu près complet mais, seuls, les éléments turcs y participèrent, les autres communautés restèrent à l'écart.

Malgré la satisfaction qui leur avait été donnée sur la question du drapeau syrien, les Turcs reprennent leur campagne de presse contre l'administration française du Sandjak, contre le Délégué du Haut-Commissaire, contre l'influence française en général.

Et pendant que cette campagne de presse se déroulait, les délégués de la S.D.N. continuaient à visiter le pays et préparaient l'élaboration du règlement électoral. A maintes reprises, et en particulier à Airangi Charki, dans l'Admouk, l'occasion leur fut donnée d'observer sur le vif les mesures d'intimidation prises par les grands propriétaires turcs pour empêcher leurs fermiers arabes ou kurdes d'approcher la commission de la S.D.N. La brutalité de ces procédés détermina même le Président Ried à déclarer publiquement que des mesures énergiques seraient prises contre tous ceux qui empêcheraient les électeurs de se prononcer librement et de se faire inscrire dans leurs communautés d'origine. Ces déclarations provoquèrent un nouveau sursaut d'indignation chez les turcs, sursaut d'autant plus violent qu'ils se rendaient alors parfaitement compte qu'ils ne constituaient dans le Sandjak qu'une minorité et que si l'inscription sur les listes électorales se faisait régulièrement, ils ne pourraient obtenir la majorité au futur parlement.