Rappel des évènements contemporains  en Turquie : 3ème partie :

Les journaux turcs : Tan Cumhuriyet, Wakit, Son Posta, Ulus, etc., pénètrent régulièrement dans les familles, maintenant la liaison spirituelle avec le monde turc ; la jeunesse se mit à lire avec enthousiasme les ouvres des nouveaux écrivains, Yakup Kadri, Refik Halid, Nazim Hikmet, Faruk Nafiz, Ethem Izzet, Etc. Beaucoup de familles étaient en outre divisées en deux tronçons : l'un en Turquie de nationalité turque, l'autre en Syrie de nationalité syrienne ; et ces deux tronçons restaient, bien entendu, en relations fréquente de part et d'autre de la frontière ; un grand nombre d'étudiants allèrent compléter leurs études en Turquie, puis leurs diplômes obtenus, s'installèrent en Anatolie, soit dans les carrières privées, soit dans l'administration de l'état.

C'est ainsi qu'en 1936, on trouvait en Turquie :

Bien entendu, les réformes religieuses, linguistique, administratives, qui modernisaient la Turquie, flattaient l'amour-propre racial de cette jeunesse et l'enthousiasmaient.

La presse, la radiophonie, la littérature nouvelle, les relations de familles, les bourses scolaires généreusement accordées aux jeunes gens du Sandjak, tout cela contribuait à accroître chez les turcophones, la sympathie à l'égard de la République Kémaliste.

Enfin, beaucoup de grands féodaux turcs de l'Amouk, soit par incurie, soit à la suite de mauvaises récoltes se ruinaient lentement tandis que leurs propriétés lourdement hypothéquées passaient aux mains des Arabes, leurs fermiers de la veille. La plupart d'entre eux, passèrent en Turquie et formèrent un noyau de mécontents qui préparaient le renversement du mandat, espérant qu'à la faveur d'un nouveau régime, ils se débarrassaient de leurs hypothèques et recouvreraient intactes leurs propriétés. Leur patriotisme dont ils devaient plus tard faire l'étalage, était en définitive, à base de gros sous.

Seules, les réformes laïques du nouveau régime, faillirent lui aliéner les sympathies des générations âgées et des familles influentes. Mais avec le temps, l'antipathie des gens pondérés à l'égard de la République laïque du Nord alla en s'atténuant et l'on ne vit plus de l'autre côté de la frontière qu'un grand pays conduit par un grand chef qui réussissait tout ce qu'il entreprenait. Cette admiration de la Turquie ne s'implanta donc pas d'un seul coup dans la communauté turque du Sandjak : en 1921 et 1922, les Kémalistes ne formaient d'ailleurs qu'un petit groupe qui alla en grossissant à mesure que le régime kémaliste se cristallisait en Turquie, à mesure aussi que le sentiment national arabe se développait chez les Alaouites et les Chrétiens de langue arabe ; car pendant que les jeunes gens de langue turque suivaient la presse turque, allaient poursuivre leurs études en Turquie, s'installaient comme fonctionnaires en Anatolie, admiraient le mouvement réformateur kémaliste, les jeunes gens de langue arabe lisaient les journaux de Beyrouth, de Damas et d'Egypte, allaient poursuivre leurs études à l'Université Syrienne, s'installaient comme fonctionnaires dans l'administration Syrienne, admiraient les efforts des nationalistes syriens qui luttaient pour l'indépendance, sympathisaient avec les arabes palestiniens luttant contre le sionisme et célébraient avec enthousiasme, le succès de l'Irak et de l'Egypte marchant vers l'indépendance.

Il se forma donc simultanément deux blocs linguistiques, culturels, nationaux adverses, qui se préparaient à la lutte en s'épiant et en surveillant les sympathies des agents français du mandat. Mais dans chacun de ces deux groupements, des profondes divisions intérieures subsistaient.

Chez les Turcs, il y avait :

Les autonomistes, d'abord les plus forts, furent lentement évincés par les Kémalistes qui, pour abattre leurs adversaires, engagèrent contre eux une lutte à la fois politique, et sociale . Les Autonomistes pro-syriens représentaient, en effet, le monde conservateur : grands propriétaires fonciers et d'immeubles construits, qui s'appuyaient sur l'influence de clergé musulman sunnite. Les Kémalistes agitèrent contre ceux qui possédaient ainsi la richesse et le pouvoir les théories démocratiques et sociales sur lesquelles la nouvelle Turquie déclare s'appuyer, et lentement les artisans, les petits commerçants, la jeunesse des écoles(1) vinrent grossir les rangs des Kémanistes qui se groupaient autour du journal turc d'Antioche, le Yeni Gûn et dans les locaux du « Genç Spor Klübü », le cercle sportif de la jeunesse.

Du côté arabe, les divisions étaient encore plus profondes :

Il y avait d'abord les divisions d'ordres religieux :

Et dans chacun de ces trois groupements existaient encore des divergences d'ordre politique :

Lentement cependant la ligue d'Action Nationale groupait les éléments les plus jeunes et les plus actifs des villes pendant que simultanément, du côté turc, les Kémalistes évinçaient les Autonomistes pro-syriens.

Ces forces en présence devaient donc nécessairement se heurter, mais pour cela il fallait :